[ENTREVUE FANTASIA 2024] – Eddie Mullins (Erection and Destruction)

Entrevue avec le réalisateur et scénariste Eddie Mullins sur son court-métrage Erection and Destruction

Chip (Joshua Burge) est déprimé. Sa petite amie insiste pour qu’il suive un traitement, mais lorsqu’un thérapeute lui prescrit un médicament miracle qui le rend impuissant, elle rompt avec lui. Encore plus déprimé, Chip rejoint un groupe de soutien où il rencontre d’autres personnes souffrant des effets du médicament. Parmi eux, Vollmann (Matthew Jarzyna), un vierge maladroit qui s’efforce de concocter un remède maison, et Loretta (Chloë Levine), qui a un plan plus agressif en tête.

 

Quelques mots sur le film :

Erection and Destruction est un très bon court-métrage, il s’intéresse avec délicatesse et avec humour à l’enjeu de l’impuissance sexuelle. Le réalisateur et scénariste Eddie Mullins propose une réflexion pertinente sur ce sujet trop souvent difficile à aborder, à travers son œuvre, il facilite la discussion. Son film ne se fait pas moralisateur ou déprimant pour autant, il fait plutôt rire son public tout en lui offrant un bon moment. À cet égard, il est impossible de passer sous silence le brio du trio formé de Joshua Burge, Matthew Jarzyna et Chloë Levine qui vont donner vie à ces dialogues finement écrit. Un court-métrage à voir.

 

Eddie Mullins est un producteur, scénariste et réalisateur américain. Sa carrière de cinéaste a débuté en 2015 avec la sortie de son premier long-métrage Doomsday. Son film a été présenté dans plus de 40 festivals de cinéma à travers le monde et il a été distribué en salles et sur la plateforme Netflix. Il a également plusieurs années d’expérience comme journaliste et critique-cinéma par sa couverture de festivals et des nouvelles sorties cinéma.

 

Voici un résumé d’une entrevue que Eddie Mullins a donnée en anglais à Ciné-Techno durant la 28e édition du festival Fantasia :

Question : Bonjour Eddie Mullins, vous présentez cette semaine votre nouveau court-métrage Erection and Destruction en première mondiale au Festival Fantasia. Pouvez-vous nous dire en quelques mots quel est le sujet de votre film?

Réponse : Certainement! Ironiquement, environ deux ou trois semaines après que nous avons eu complété le tournage du film, il y a eu un article dans le New York Times  qui aborde exactement la même thématique que le film. La prise de conscience grandissante que certains antidépresseurs (principalement les SSRIs) peuvent entraîner chez les adultes plus âgées des problèmes sexuels à court terme et chez les plus jeunes adultes des problèmes irréversibles à long terme. Il existe plusieurs forums sur internet où des gens racontent avoir été prescrit certains médicaments quand ils avaient 18 ans et ne plus jamais être redevenus les mêmes ensuite. Ils décrivent qu’ils sont devenus sexuellement impuissant, ils existent même des groupes de soutien autour de cet enjeu. Je ne pense pas mon court-métrage comme un film axé sur un enjeu (issue-driven picture), c’est principalement une comédie, mais je me dois d’avouer que mon expérience personnelle m’a inspiré à écrire sur le sujet. À mon âge, c’est un effet à court terme, mais il demeure que c’est alarmant. En m’immergeant dans le sujet, j’ai réalisé que certaines personnes restaient avec ce problème à long terme, j’ai été impressionné de découvrir que cela n’est pas vraiment abordé dans la société. La discussion sur cet enjeu semble être plus prépondérante au Royaume-Uni, en Amérique du Nord elle semble plus limitée. Cependant, je ne pourrais jamais trop le répéter, pour moi Erection and Destruction est une comédie et non un film axé sur un enjeu.

Q : En regardant le court-métrage une seconde fois, mon attention a été portée sur la première scène du film où le personnage de Chip (Joshua Burge) consulte pour sa déprime. Dans ce court segment, il est pris en charge par un psychiatre qui va rapidement lui prescrire un anti-dépresseur sans lui poser bien des questions. Souhaitiez-vous passer un message à l’endroit de la prise en charge des problèmes de santé mentale dans cette séquence?

R : Cette scène se veut raconter mon expérience et celle de mes connaissances avec le système de santé où les choses se font sans nécessairement entrer dans les détails des problèmes spécifiques d’une personne. Je n’ai pas le sentiment que la médecine comprend vraiment ce que les drogues font, il y a différentes familles de drogues, les personnes ont des réactions différentes aux diverses molécules. Il demeure qu’il y a un processus d’essais et d’erreurs avec la médication, les traitements sont parfois approximatifs selon mon expérience. C’est pourquoi il n’est pas clair à quel point les effets à long terme sont réellement compris et identifiés.  Encore une fois, plusieurs membres de mon entourage ont vu le court-métrage et ils m’ont indiqué que la représentation du film a résonné avec leur expérience personnelle, évidemment l’impuissance sexuelle est généralement peu agréable à aborder. Je pense que l’expression anglaise many a true word is spoken in jest représente bien ce que mon film est en mesure d’accomplir. De toute manière, je ne crois pas que j’aurais été capable de faire un court-métrage très sérieux sur le sujet, si tel était le cas, il aurait été probablement ennuyeux. À l’inverse, j’étais tout à fait confortable de faire une comédie.

Q : Pour moi, vous avez vraiment trouvé le juste milieu entre commentaire social et comédie dans votre court-métrage. Précédemment, vous avez expliqué que l’idée du scénario vous est venue par vos expériences personnelles et des discussions que vous avez eues avec des gens. Pourriez-vous élaborer sur votre processus d’écriture?

R : Originalement, Erection and Destruction était supposé être un long-métrage et il est toujours possible qu’il le soit. Plusieurs personnes m’ont demandé si cela est un proof of concept et je leur ai répondu peut-être. Durant la grève des acteurs à Hollywood, le SAG a proposé une entente qui ouvrait la porte à faire des petits projets pour lesquels les acteurs pourraient travailler, donc il devenait possible pour moi de tourner une version court-métrage de mon film parce qu’elle était en mesure de respecter les directives données. Même si le script final n’était pas terminé, j’avais suffisamment d’éléments narratifs pour écrire un scénario d’une dizaine de minutes, il est évident que je devais laisser tomber certains éléments, mais c’était faisable. Ça faisait un long moment que je réfléchissais à ce projet, mais quand j’ai commencé à l’écrire et à tourner le tout a été très rapide. L’ensemble a pris environ de huit à dix semaines, je n’ai jamais participé à un projet qui a pu se terminer aussi rapidement que celui-là.

Q : Pourriez-vous me dire s’il existe un truc pour trouver ce juste milieu entre passer un message et divertir dans un film? Comment un scénariste ou un réalisateur peut trouver cet équilibre?

R : Ce n’est que de l’instinct, s’il y avait une méthode tout le monde la suivrait. Et maintenant que je prends connaissance du résultat final et que j’ai la chance de voir le film avec un public de plus de quatre personnes je peux voir où sont les lignes comiques. Chaque public est unique, c’est certain, mais j’ai vraiment une meilleure idée. Il y a certains éléments que je trouvais bon qui finalement ne l’étaient pas et vice-versa. Dans le milieu, nous disons souvent que le choix de la distribution représente 90% d’un film. Je crois que ça ne pourrait être plus vrai dans mon cas et celui de mon premier film Doomsday. Avant d’avoir vu le résultat final, j’étais confiant que ce serait bon parce que j’avais les bonnes personnes. Par exemple, l’acteur Matthew Jarzyna qui joue Vollmann fait virtuellement rien de spécial dans ses scènes, il ne fait que jouer, je crois qu’il est le nouveau Rick Moranis. Sans vouloir manquer de respect aux autres acteurs, il vole la vedette, quasi toutes ses lignes ont fait rire le public.

Q : Ma prochaine question était justement par rapport au choix de la distribution, plus particulièrement Vollmann, il a cette façon de bouger, de parler, est-ce quelque chose que vous lui aviez demandé?

R : Il y a cet auteur contemporain américain William T. Vollmann qui est souvent dans les discussions pour un prix Nobel. J’ai dit à Matthew Jarzyna que son personnage n’est pas nécessairement basé sur l’écrivain Vollmann, mais il pourrait certainement lui servir d’inspiration pour le rôle. Matthew a écouté plusieurs entrevues de l’auteur et il m’a fait en retour une super bonne imitation. Nous n’avons jamais vraiment partagé à personne sur le plateau l’inspiration derrière le personnage, mais c’est tellement intéressant parce que cela n’est tellement pas comme Matthew. Tout le monde me demandait : « où as-tu trouvé ce gars? ». En fait, il a été trouvé grâce à mon directeur de casting. Pour Joshua Burge, il est un ami, je lui ai demandé de le faire et il a accepté. C’est toujours aidant quand tu as déjà ton personnage principal en place et qu’il ne te reste plus qu’à trouver les autres pour l’entourer. Par exemple, Chloë Levine, je l’avais vu dans The Ranger et elle me semblait parfaite pour de Loretta, je me suis même dit, si je ne l’ai pas, je ne sais pas si je ferai le projet. Laura Campbell, la copine de Chip était le rôle principal féminin dans mon film Doomsday. Bref, Matthew Jarzyna et les autres rôles de soutien sont les seules personnes que j’ai trouvé par le processus de casting. Il m’a vraiment impressionné, tout le monde était surpris par son aise sur le plateau. C’est quelque chose de remarquable pour quelqu’un qui n’a pas beaucoup d’expérience. Il est vraiment talentueux, il ne le réalise peut-être pas. J’aimerais certainement faire plus de projets avec lui dans l’avenir.

Q : Pour terminer, quelle est la suite pour Erection and Destruction? Comment avez-vous trouvé l’expérience de présenter votre film en première mondiale au festival Fantasia?

R : En fait, Doomsday a eu sa première à Fantasia aussi, c’était comme la suite naturelle des choses de présenter un autre projet à Montréal. Cette ville est comme une deuxième maison pour moi, j’y suis confortable, je me vois amener tous mes projets à Fantasia. C’est cliché à dire, mais c’est le meilleur public, ils sont exubérants, intelligents et ils n’ont pas de réserve. C’est un privilège d’être ici. Pour la suite, Erection and Destruction va être présenté dans d’autres festivals, mais je ne peux pas vous dire lesquels étant donné que cela n’a pas été officiellement annoncé. Une des bonnes choses avec Fantasia c’est également de voir son film être présenté avec un long-métrage, cela permet d’augmenter la visibilité d’un court-métrage en comparaison à quand il se retrouve dilué dans un programme uniquement consacré à des courts-métrages. Évidemment, ma situation est d’autant unique parce que mon court-métrage partage le même acteur principal (Joshua Burge) que Vulcanizadora (le film qu’accompagne le court-métrage de Eddie Mullins). Cette programmation aurait mérité d’avoir un nom spécial en l’honneur de Joshua, avec lui je m’étais amusé à brainstormer des noms. Je crois qu’il est un acteur vraiment doué et je trouve intéressant que Erection and Destruction soit la première fois qu’il ne joue pas un personnage étrange et plutôt un charmeur silencieux. Son jeu est très subtil, il en fait beaucoup avec ses yeux. Dans cette première scène avec le psychiatre, il arrive bien à faire sentir au public qu’il y a quelque chose qui se passe dans sa tête. La paire formée par lui et Chloë Levine est vraiment parfaite, je ne me souviens plus exactement ce qui m’a motivé à les mettre ensemble, mais je suis content de l’avoir fait. Tout a pu se mettre en place naturellement, comme je le disais avant, la distribution d’un film est tellement importante. Même qu’à un certain point ça devient une question de chance et bon, j’ai eu toutes les personnes que je voulais.

 

Erection and Destruction a été présenté en première partie du long-métrage Vulcanizadora à la 28e édition du festival Fantasia, les représentations ont eu lieu le vendredi 19 juillet 2024 et le mardi 23 juillet 2024. Cette entrevue avec le réalisateur Eddie Mullins a été réalisé dans le cadre du festival Fantasia.

 

Site web officiel du film: Erection and Destruction

Pour connaître l’ensemble de la programmation du festival: Programmation Fantasia 2024

Pour vous procurer des billets: Billets Fantasia 2024

Site web officiel du Festival: https://fantasiafestival.com/fr/

Pays: États-Unis
Année: 2024
Durée: 12 minutes
Audio: Anglais
Réalisateur: Eddie Mullins
Scénario: Eddie Mullins
Interprètes: Joshua Burge, Matthew Jarzyna, Chloë Levine, Laura Campbell