[CRITIQUE FANTASIA 2024] – In Our Blood

In Our Blood: Un found footage magnifique et pertinent

Emily (Brittany O’Grady) accepte d’aller retrouver sa mère à Las Cruces au Nouveau-Mexique après plusieurs années sans lui avoir parlé. Leur relation est difficile depuis l’adolescence d’Emily, Sam (Alanna Ubach), sa mère, ayant perdu la garde de sa fille parce qu’elle avait d’importants problèmes de dépendance. Cette fois, la jeune femme est confiante que les difficultés de sa mère sont une histoire du passé et elle accepte la rencontre. Étant une cinéaste, Emily aura l’idée d’inviter son ami Danny (E.J. Bonilla) pour réaliser un documentaire sur les retrouvailles. Malheureusement, le lendemain de la première soirée ensemble, Sam va disparaître sans laisser aucun signe de vie.

In Our Blood est un film à voir pour les amateurs d’horreur et surtout de found footage, à cet égard, il se distingue d’autres entrées dans le genre par la beauté de ses images. L’acteur E.J. Bonilla, qui manipule la caméra pendant une bonne durée du long-métrage, a travaillé de cœur avec le directeur photo Camilo Monsalve avec l’objectif d’offrir au public des plans léchés malgré l’approche choisie, le résultat est un succès. Sans rentrer dans de plus amples détails, il importe de préciser que In Our Blood est un très bon film et qu’il mérite d’être découvert en ayant une connaissance la plus limitée possible de ses thématiques. Bien que les lignes suivantes ne viennent pas révéler des éléments d’importance, il demeure qu’il y a toujours un certain plaisir à découvrir une œuvre en se lançant les yeux fermés, c’est ce qu’il vous est suggéré de faire ici.

Le réalisateur brésilien Pedro Kos en est à son premier long-métrage de fiction avec In Our Blood, ses expériences précédentes étant principalement dans le documentaire. Certains de ses projets ont été présentés au prestigieux festival de Sundance, parmi ceux-ci le documentaire The Great Hack a été nommé au BAFTA tandis que The Square, nommé aux Oscars, lui a également permis de remporter un prix Emmy pour le meilleur montage dans un programme de non-fiction.

L’expérience de documentariste du réalisateur se fait sentir dans le choix du style found footage, un élément qui se révèle dès la première scène du film quand celle-ci est rembobinée par quelqu’un. L’approche est d’autant plus intéressante que le réalisateur alterne entre deux points de vue différents, ceux-ci sont facilement identifiables par le format de l’image. Il y a le plus petit format provenant de la caméra du cellulaire de la protagoniste Emily (Brittany O’Grady) et l’image plein écran de la caméra de Danny (E.J. Bonilla) qui filme les retrouvailles entre Emily et sa mère. Ce choix permet un plan où il y a une image dans l’image, cela va se produire quand Emily et Danny vont visionner certaines scènes qu’ils ont filmées plus tôt à la recherche de pistes pour retrouver la mère. Cette décision a également le bénéfice d’offrir une opportunité au public de lui aussi chercher des indices dans ces images. Le réalisateur Pedro Kos se sert également de son expérience documentaire en prenant une approche peu fréquente dans les films de fiction pour une des scènes. Dans cette dernière, la caméra et le micro, captant le son entendu par le public, se retrouvent à deux endroits différents. En d’autres mots, dans cette scène, Emily va rentrer dans un lieu avec un micro pendant que Danny va rester à l’extérieur pour filmer le bâtiment dans lequel Emily a pénétré. Cela donne un effet intéressant, car cela permet au public de s’imaginer ce qu’il se passe à l’intérieur en se basant sur l’audio plutôt que de réellement assister à l’action.

In Our Blood est un film bien construit avec un montage fluide, le mystère augmente au fur et à mesure que le récit avance jusqu’à une révélation finale dans les dix dernières minutes qui vient complètement changer la donne. La scénariste Mallory Westfall réserve toute une surprise qui risque de rester en mémoire un bon moment après le visionnement. Son scénario a également la qualité de ne pas se limiter à ce revirement. En effet, il contient des commentaires pertinents sur des réalités comme la dépendance, l’itinérance et également l’immigration. L’action se déroulant à proximité de la frontière entre les États-Unis et le Mexique, cela ouvrait la porte à aborder de plein fouet ces enjeux d’actualité.

In Our Blood a été présenté en première mondiale dans la section Cheval noir de la 28e édition du festival Fantasia le mercredi 31 juillet 2024. La projection était accompagnée par le court-métrage Pretty Sad, un beau film en noir et blanc.

Résumé de la séance de questions-réponses qui a suivi la projection:

La séance a débuté avec le producteur Aaron Kogan qui a insisté sur à quel point la création de ce projet fut le résultat d’un travail de longue haleine, l’idée originale lui étant venue il y a 25 ans quand il était encore sur les bancs d’école. La scénariste Mallory Westfall a également porté ce projet depuis plusieurs années, maintenant âgée de 36 ans, elle travaille sur le scénario depuis qu’elle a 23 ans. Pour ces deux personnes, In Our Blood a vraiment commencé à prendre vie avec l’arrivée du réalisateur Pedro Kos sur le projet.

Le réalisateur Pedro Kos a été questionné sur la crédibilité des personnages souffrant de dépendance dans son film. Il a expliqué que c’est grâce à l’expérience développée dans ses projets précédents où il a travaillé avec des personnes itinérantes qui lui a permis de bien saisir cette réalité afin de la représenter le plus fidèlement possible à l’écran. Il tenait à mettre de l’avant dans son film des personnes vivant en marge de la société, celles qui sont généralement déshumanisées et cachées. Étant lui-même un immigrant, il tenait à ce que le récit se déroule près de la frontière entre les États-Unis et le Mexique.

Concernant son approche, le réalisateur a expliqué qu’il a travaillé de la même manière qu’il aurait travaillé pour un film documentaire. Le centre de soutien pour les personnes souffrant de problèmes de dépendance est un lieu réel, tout comme le campement de personnes itinérantes se situant derrière. À cet égard, il était crucial pour le réalisateur que les acteurs arrivent une semaine avant le tournage pour qu’ils puissent s’imprégner de l’environnement dans lequel ils allaient tourner. La scénariste a également adapté le scénario pour qu’il reflète le mieux possible la réalité que l’équipe du film a pu voir sur place.

Pedro Kos a également été questionné sur sa transition de documentariste à réalisateur de fiction. Il a aimé son expérience et il a expliqué qu’il a apprécié d’avoir la possibilité de maintenir dans son film tout ce qui est normalement coupé au montage dans un documentaire, pour lui il y a énormément d’humanité dans ces scènes qui généralement ne sont pas partagées.

L’actrice Brittany O’Grady a décrit son expérience sur le plateau de tournage comme magique, elle a apprécié découvrir au fur et à mesure toutes les couches contenues dans le scénario du film. Elle a été impressionnée par toute l’humanité présente dans ce film de genre. Elle a apprécié être immergée dans cette communauté tissée serrée, elle a pu participer à des rencontres du centre et également faire la connaissance de locaux qui allaient participer au film. Pour l’acteur E.J. Bonilla ce fut une des plus belles expériences de tournage qu’il a vécue, il a adoré pouvoir tenir la caméra dans plusieurs scènes et participer au processus avec le directeur de la photographie, il a décrit ce partenariat comme une danse durant laquelle les danseurs vont se partager un seul même rôle. Il a également reconnu en Pedro Kos une capacité hors du commun de créer un environnement sain sur le plateau où les acteurs peuvent s’épanouir et être à leur meilleur.

Pour connaître l’ensemble de la programmation du festival: Programmation Fantasia 2024

Pour vous procurer des billets: Billets Fantasia 2024

Site web officiel du Festival: https://fantasiafestival.com/fr/

8/10